N°9402
PARIS, le 15 novembre 2025
« J’ai sorti la caméra, et il m’a sauté dessus » : des policiers accusés de violences à Barbès
Norah dénonce avoir été violentée et contrôlée sans motif par deux policiers, sur le quai de Barbès dans la soirée du 15 novembre 2025. Ses accusations sont corroborées par plusieurs vidéos et témoins.
Par Vincent VICTOR le

« J’ai sorti la caméra, et il m’a sauté dessus », témoigne Norah (1), 40 ans. Elle dénonce avoir subi un contrôle violent par deux policiers alors qu’elle rentrait de soirée, sur le quai du métro aérien Barbès–Rochechouart dans la nuit du 15 au 16 novembre 2025.

Quelques minutes plus tôt, la quadragénaire attendait sur le quai de la ligne 2 lorsqu’un « ACAB » (slogan pour "all cops are bastards") est crié de loin par des jeunes qu’elle ne connaît pas. « À ce moment là, les agents sont arrivés de manière très précipitée vers ce groupe de femme », témoigne Norah. Les deux policiers, qu’elle décrit comme agressifs, empêchent les jeunes de monter dans le métro et chercheraient la confrontation avec une dizaine de jeunes femmes. Un récit confirmé par plusieurs témoins, qui rapportent que l'un des policiers crie : « Qui va porter ses couilles ? »

Multiples coups et téléphones arrachés

Mais à l'arrivée du métro, la situation dégénère en quelques secondes. Alors qu'elle filme la scène à quelques mètres, Norah est attrapée par l’un des deux fonctionnaires, qui se jette sur elle et tente de lui prendre son téléphone, avant de la tirer jusqu’à l’isoler dans un coin. Sur les images captée par un autre témoin, le gardien de la paix plaque brutalement le visage de Norah contre le vitrage de la station, avant de faire un mouvement brusque vers elle. Cette dernière affirme avoir été à ce moment là brièvement étranglée et avoir pu recevoir des coups dans les jambes. Lorsque qu’elle est assise au sol, une minute plus tard, le policier lui aurait à nouveau arraché le téléphone des mains. Un des extraits vidéo le montre alors jeter l’appareil par terre. Après qu’un second équipage soit arrivé en renfort, le même fonctionnaire lui fait une clef de bras, avant de relâcher sa prise immédiatement. Les images ne montrent aucun geste de Norah qui semble justifier cette contrainte.

Il m’a dit : « Je regrette le temps de la BRAV-M »

Un certificat médical établi le lendemain, consulté par ViolencesPolicières.fr, rapporte un « état d'anxiété visible à l'examen » et plusieurs hématomes et dermabrasions aux bras. Son arrêt maladie d'une semaine est finalement prolongé jusqu'à fin décembre.

Les images montrent une seconde personne, porteuse d’une capuche jaune, subir des violences. Dès le début de l’intervention, alors qu’elle sort elle aussi son téléphone pour filmer les deux fonctionnaires, ceux-ci saisissent en même temps son appareil dans ses mains. Quelques secondes plus tard, lorsqu’elle essaye de s’interposer à l’arrestation de Norah, le second policier lui porte un coup, main ouverte, au visage. Elle n’a pas été retrouvée par ViolencesPolicières.fr.

Un contrôle abusif ?

Pour trois témoins questionnés par ViolencesPolicières.fr, le choix d’appréhender et de contrôler l’identité de Norah — et de personne d’autre — interroge. « C’était une des seules personnes racisées sur le quai. Ça m’a tout de suite sauté aux yeux, la violence avec laquelle on l’a manipulé », commente Ninon. Jusqu’à la fin du contrôle, les agents refusent de se justifier et ne mentionnent même pas l’outrage. « Ils sont parti sans s’expliquer », ajoute-t-elle.

Marie-Sara, une autre témoin, est quand à elle marquée par l’armement conséquent des trois policiers arrivés en renfort : « Ils sont arrivés avec un fusil d’assaut et des bombes lacrymogènes. C’était complètement démesuré par rapport à la situation ». L’un d’eux dissimule son visage au moyen d’un cache-cou — une pratique formellement interdite (2). Le gardien de la paix accusé d’avoir violenté Norah n’est pas porteur de son numéro RIO, pourtant obligatoire (3).

Norah a annoncé déposer plainte auprès du procureur de la république. Le défenseur des droits a également été saisi. Sollicité le 29 novembre par ViolencesPolicières.fr, la préfecture de police n’a pas répondu à nos questions.

  1. Le prénom a été modifié.
  2. L’arrêté du 7 avril 2011 relatif au respect de l'anonymat de certains fonctionnaires police et militaires de la gendarmerie nationale n'autorise la dissimulation du visage qu'à certains unités en lien avec l'anti-terrorisme et la criminalité organisée. La note du Préfet de police n°16-016179 du 5 avril 2017 rappelle que « le principe général de l'accomplissement des missions de police demeure le travail à visage découvert ».
  3. Le 11 octobre 2023, le Conseil d'État ordonnait déjà au Gouvernement de garantir « le port effectif et la lisibilité du numéro d’identification individuel ».
Violence #9402 du 15 novembre 2025
Saisie sans annonce préalable, plaquage au mur et geste brusque selon un emploi de la force disproportionné pour l'execution d'un contrôle d'identité
Contrôles d'identité
Contrôle abusif d'une personne qui filme, saisie et jet à terre de son téléphone
Pièces
9402 - Video 1 Anonymized
9402 - Video 2 Anonymized
9402 - Video 3 Anonymized
9402 - Video 4 Anonymized
9402 - Video 5 Anonymized
Contexte
Violences policières quotidiennes
196 signalements
Voir sur la carte
Contexte
Ville
Paris
Lieu
Métro Barbès–Rochechouart
Heure
Victime
Genre
Femme
Blessures
Hématomes et dermabrasions aux bras et « état d'anxiété visible à l'examen » suite au contrôle et clef de bras
Juridique
Problèmes
Violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique (plainte)
Saisie sans annonce préalable, plaquage au mur et geste brusque selon un emploi de la force disproportionné pour l'execution d'un contrôle d'identité
Contrôle abusif d'une personne qui filme, saisie et jet à terre de son téléphone
Auteurs / Impliqués
Gardien de la paix de la police nationale
Autres / N/C
Brigadier-chef de la police nationale
Autres / N/C
Poursuites
  1. Dépôt de plainte pour violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique
Signalement
ID Unique
9402
Statut
Vérifié
Doublons
Unique
Mise à jour
17 décembre 2025

638
Victimes graves recensées ayant nécessité une prise en charge médicale ou gardé des séquelles, plus de 1 victime sur 10.
Victimes graves 
8 176
Victimes et faits recensés de violences et d'abus policiers recensés depuis 2018 en France.
Signalements récents 
8 241
Lieux de vie informels expulsés par les forces de l'ordre depuis 2018 en France.
27 500
Victimes estimées de violences policières pour les seules manifestations Gilets Jaunes et Retraites.