19 septembre 2024, tribunal de Paris. Comme tous les troisièmes jeudi du mois, les policiers et gendarmes défilent dans la salle 4.03, une journée dédiée aux délits commis par les forces de l'ordre dans le cadre de leur fonction.
Le policier de 34 ans se présente à la barre. En septembre 2019, alors en poste au commissariat du 18ème arrondissement, il contrôle A., qui vend à la sauvette des consoles Nintendo. Une première altercation survient alors que les agents veulent saisir sa marchandise qu'ils soupçonnent d'être volée — ce qui sera infirmé par l'enquête. A. dément et a peur que les agents ne lui prennent ses affaires. Ces derniers l'interpellent.
Dans sa plainte, A. explique avoir d'abord été insulté et maltraité par les policiers, qui l'auraient notamment tiré par les menottes pour le faire avancer. Une fois arrivé au commissariat, le fonctionnaire l'aurait alors démenotté et provoqué, lui lançant « montre moi ton cinéma ». Le policier le plaque ensuite contre le mur et lui donne deux coups au visage, puis lui assène un coup de poing au ventre, avant qu'une collègue ne lui demande de se calmer. Examiné le lendemain, A. présente des « dermabrasions aux deux poignets » et est orienté pour un « stress post-traumatique ».
À l'audience, le fonctionnaire reconnaît les coups, les justifiant par le fait que l'homme l'aurait menacé et « saisi par le col, poing serré » lorsqu'on lui a annoncé qu'il ne récupérera pas ses affaires. Des explications changeantes, pour la procureur, qui souligne que le procès-verbal parle lui d'une « tentative » de prise par le col tandis que la main courante mentionne uniquement des « grands gestes ».
Le policier assure d'abord que ses gestes étaient « légitimes » et « mesurés ». « J'aurai pu lui faire beaucoup plus mal », ajoute-t-il, avant de reconnaître sous les questions du président que « peut-être » les second et troisième coups n'étaient pas tout à fait proportionnés.
Seulement, les violences ne s'arrêtent pas là. À l'accueil, Y., qui venait valider son contrôle judiciaire, assiste aux violences et commence à faire semblant de filmer. Sur les images de vidéosurveillance, on le voit sortir son téléphone avant d'être rapidement pris à partie par le policier, qui lui saisit le bras et l'emmène hors du champ de la caméra.
Là, le fonctionnaire lui aurait mis une claque, insulté, et forcé à déverrouiller son téléphone pour tenter de supprimer la vidéo — inexistante — puis le prend à part une quinzaine de minutes sur le parking du commissariat. Une version corroborée par la première victime, dans des témoignages « très similaires, alors qu'ils ne se connaissent pas », souligne la procureur.
Sur le parking, d'après Y., le policier lui aurait alors cassé son téléphone en le jetant au sol et l'aurait longuement menacé « qu'il allait le tuer » si la vidéo sortait, qu'il « a une famille » et ne voulait pas « perdre son travail ». Il aurait également pris en photo sa carte d'identité, soulignant qu'il n'habitait pas loin de chez lui. De fait, les enquêteurs auront beaucoup de difficultés à faire témoigner Y. qui est « tétanisée d'être reconnue dans la procédure », rapporte la procureur.
Ces accusations, le policier les nie en bloc. Pour lui, l'homme les aurait insultés dans le commissariat. Des propos que personne d'autre n'a entendu, rappelle la présidente. « Je l'ai lu sur ses lèvres », justifie-t-il. Il a d'ailleurs fait une main courante, raison pour laquelle il a fait une photo de sa carte d'identité. Quant au téléphone, il assure que Y. l'aurait jeté lui-même par terre.
Le fonctionnaire avait déjà été mis en cause à quatre reprises pour des faits de violences. Des affaires classées, souligne son avocate. Il décrit un métier « trop violent » dans lequel « on ne peut pas montrer ses faiblesses ». Depuis les faits, il a changé de service, sans grande amélioration, avant de finalement demander à ne plus faire de terrain. Depuis mai, il est en arrêt maladie pour dépression.
Son avocate, Me Compoint, renvoie la faute à un arrondissement « délinquant et criminogène », déplorant qu'elle doivent se « retrouver avec une population qu['elle] n'aimait pas côtoyer » sur le trajet jusqu'au commissariat, où les policiers sont pris à partie par « toute la populace ». Elle critique une enquête « à la petite semaine » sans confrontation entre le policier et les deux victimes. D'ailleurs, pour elle, « si ça s'est mal passé, c'est à cause de la victime », dont elle met en doute le stress post-traumatique constaté « moins de 24h après les faits ».
Après la suspension d'audience, le policier est reconnu coupable des deux faits de violences et condamné à 8 mois d'emprisonnement intégralement assortis du sursis. Moitié moins que les réquisitions de la procureur — sans interdiction d'exercer ni inscription au casier judiciaire.