Vendredi 23 décembre, vers 7h45 devant le lycée Sophie-Germain, dans le IVe arrondissement, les policiers sont intervenus sur un blocage des lycéens protestant contre la loi Immigration, votée en début de semaine.
L'intervention visait à libérer l'accès pompier, l'une des trois entrées du bâtiment bloquée par les manifestants. Selon plusieurs lycéens, l'accès laissé libre par les manifestants lors des précédents blocages avait été utilisé par l'établissement pour faire rentrer des élèves.
Une vingtaine de policiers du GSO (Groupe de Soutien Opérationnel, une des spécialité de la CSI) se positionnent face au blocus. D'après les élèves, certains sont cagoulés, la plupart sans matricule, tandis que plusieurs allument leur lampe pour éblouir les caméras des téléphones. « On aurait dit qu'il y avait en face Pablo Escobar et ses hommes », souffle une enseignante. Pour plusieurs professeurs, le déploiement policier était "absolument inadéquat" pour "des élèves qui bloquent pacifiquement un lycée".
« D'un coup ils ont commencé à nous dégager hyper violemment », témoigne Juliette*, lycéenne en Terminale. Une vidéo circulant sur les réseaux sociaux montre les policiers agripper violemment les élèves et les jeter au sol. « Ils ont donné des coups de pied à ceux qui s'accrochaient », rajoute-elle. Plusieurs témoignent d'un garçon étranglé par une clé de bras, d'un autre ayant reçu « les doigts dans les yeux » et de coups au ventre.
Janis, 17 ans, est tirée vers le sol par les cheveux. Une photo montre son cuir chevelu rougi de plusieurs plaies. Sa camarade Léa*, du même âge, est blessée par une "balayette" d'un policier la faisant tomber sur le dos et taper la tête contre le sol. « J'ai une bosse à la tête, des bleus et une douleur aux côtes (…) Quand j'ai protesté, il m'a dit "Si j'avais voulu te frapper, te ne serais plus en état de parler" ».
Sarah*, venue d'un autre lycée, est saisie à la gorge et projetée au sol par un policier. « Il serrait assez fort, me faisait très mal, j'avais du mal à respirer ». En tombant en arrière, elle perd connaissance alors que son crâne tape contre le bitume. À son réveil, « elle est en pleur, elle est sous le choc, elle ne se souviens plus de rien » relate Janis. Sarah est évacuée par les pompiers vers les urgences de Saint-Antoine. « C'était gratuit », commente-t-elle, avec toujours des céphalées et des douleurs au niveau du cou. Elle envisage de porter plainte.
À leur arrivée, plusieurs enseignants s'interposent face aux policiers. « Quand les professeurs étaient là, les policiers étaient plus calmes », relate une des victimes. « Avec la violence de ce qui s'est passé, on ne pouvait pas rentrer. On avait peur pour nos élèves. On ne peut pas être professeur de la république et abandonner les jeunes », s'indigne un enseignant, souhaitant rester anonyme par peur de représailles.
La présidente du conseil des parents d'élèves FCPE Sara Aubry indique avoir "échangé avec la direction du lycée et le commissaire" pour éviter de nouvelles interventions des forces de l'ordre et avoir soutenu "les élèves blessés et/ou choqués par la rapidité et la brutalité de cette intervention". Elle rajoute que « les élèves, nos enfants, ont choisi de se mobiliser contre une loi contestée et contestable. Ils manifestent devant leur lycée, qui est le lieu où ils apprennent à comprendre notre société, à s'exprimer et à devenir des citoyens. Dans un tel contexte, l'intervention des forces de l'ordre, si elle est nécessaire, devrait être très mesurée et contrôlée, et nous condamnons fermement toute violence, en particulier envers les mineurs ».
Interrogé par violencespolicieres.fr, la préfecture de police n'a pas donné suite. Le parquet de Paris, également sollicité, indique ne pas avoir ouvert d'enquête faute d'avoir été informé des faits.