Violence N°6620
PARIS, le 17 décembre 2023
Jeune exilé projeté au sol par un policier de la BRAV-M après l'expulsion de Pont-Marie

Le soir du dimanche 17 décembre, deux policiers de la BRAV-M sont filmés en train de violenter une personne exilée après l'expulsion d'un campement de mineurs isolés. La préfecture a ouvert une enquête administrative. L'association Utopia 56 dénonce la légalité de l'expulsion et a saisi le parquet, l'IGPN et le Défenseur des Droits.

Sous les arcades commerciales, près du métro Pont-Marie, 200 jeunes exilées, pour la plupart des mineurs en recours, sont réfugiées depuis plusieurs semaines sous une centaine de tentes. Ce soir, des jeunes de Villiers-le-Bel s'installent pour distribuer des repas préparés par leurs mères. Un photographe, Dario, vient apporter du thé chaud et retrouver quelques connaissances. Deux policiers en civil, oreillette à l'oreille, passent discrètement le long des tentes. Ils chuchotent « 20… 40… 60… », en comptant les jeunes.

Puis « tout s'est passé très vite », raconte Dario. Une dizaine de camions de police surgissent, Des policiers descendent en courant, beaucoup cagoulés, matraque et bombe lacrymogène à la main, et encerclent le camp. « Les policiers sortent les jeunes de leurs tentes, leur intiment de partir. Certains réussissent à prendre leur baluchon sur les épaules. D'autres protestent pour récupérer leurs affaires. Les policiers les bousculent ou les poussent à coup de bouclier vers les rues adjacentes. Ils criaient "Dégagez. Dégagez… Tu dégage. Casse toi !" », témoigne Dario. Pendant près d'une heure, les rangées de policiers refoulent petit à petit les jeunes dans les rues parisiennes.

La BRAV-M arrive alors en renfort pour « chasser tous les groupes de plus de trois » explique-t-il, jusqu'à la place Baudoyer près de la mairie du 4ème arrondissement, où ils encerclent quelques dizaines de jeunes exilés réunis à la recherche d'un lieu où dormir. Timur, assis dans bar donnant sur la place, explique avoir vu plusieurs personnes courir, pourchassées par les policiers. Il commence à filmer alors que le jeune homme vient d'être mis au sol. Sur ses images, deux policiers de la BRAV-M relèvent le jeune homme et le tirent par le pull pour le faire marcher. Soudainement, un des policiers le soulève en l'air avant de le projeter violemment contre le sol. La suite est filmée par le journaliste Remy Buisine. Le jeune, encore assis au sol, est relevé par les agents et accompagné vers la nasse.

Les policiers les laisserons partir au compte goutte, par deux ou trois, sans solution d'hébergement. Cette nuit, les températures descendront à zero degré. Du coté du campement, des jeunes ont pu récupérer leur tente et s'installer par petits groupes sur le trottoir d'en face. L'objectif de l'expulsion interroge. « Ils ont été assez choqués, ils ne comprenaient pas ce qui s'est passé », raconte Océane Marache, coordinatrice d'Utopia 56 Paris, qui vient en aide aux personnes exilées. Quand à la présence des policiers motorisés, « on n'a jamais vu la BRAV-M sur des expulsions sèches, sans mise à l'abri », explique-t-elle. Pour les bénévoles, rien ne justifiait l'intervention de cette unité.

Depuis leur création mars 2019, les policiers motorisés de la BRAV-M ont fait l'objet de multiples enquêtes et de nombreuses accusations de violences injustifiées. Une semaine plus tôt, un équipage partant en intervention percutait mortellement percuté un piéton de 84 ans. Le 20 mars à Paris, des agents rouaient de coups et proféraient des insultes racistes à l’égard d'un jeune interpellé. Le même soir, BFMTV filmait en direct un policier infliger une "droite" à un riverain le faisant tomber inconscient sur le sol. Dans un rapport publié le 13 avril fondé sur plusieurs années d'observation dans les manifestations, l’Observatoire parisien des libertés publiques (créé par la LDH et le SAF) accuse la BRAV-M de pratiques « virilistes », « violentes et dangereuses, promptes à faire dégénérer les situations ».

L'association Utopia 56 a annoncé avoir saisi le parquet, l'IGPN ainsi que le Défenseur des Droits, dénonçant les violences contre le jeune homme ainsi que l'illégalité de l'expulsion. « Ce sont des lieux d'habitation. Au delà d'un délai de 48h, le campement ne peut être expulsé sans une décision de justice », explique son porte-parole Nikolaï Posner. Quand au jeune, Utopia et les bénévoles présents à ce moment nous indiquent ne pas l'avoir retrouvé. Après la diffusion des images par l'association, le préfet de police a demandé l'ouverture d'une enquête administrative "pour que les policiers soient identifiés et les circonstances des faits établis", selon RTL. Joint ce jeudi, le parquet n'a pas encore ouvert d'enquête judiciaire. Le Défenseur des Droits a confirmé l'ouverture d'une instruction.

Violence #6620 du 17 décembre 2023

  • Soulève et projette butallement la personne interpellée contre le sol, selon un emploi de la force non-nécessaire et disproportionné. Violence disproportionnée
Pièces
6620 Vidéo
Vérification: Investigation interne
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"Dimanche 17 décembre vers 22h, une opération de police musclée a été menée pour virer près de 200 jeunes exilés de l’endroit où ils dormaient depuis des semaines. Ils racontent. 👁 Hier, la température était de 0 degrés ressenti -2, et aucune solution ne leur a été proposée. La police (compagnie d’intervention de la préfecture + BRAV-M) a été déployée dans tout le quartier pour les repousser le plus loin possible dans tout le quartier. Plusieurs d’entre eux ont été violentés et frappés à coup de matraque. Finalement, les jeunes exilés ont pu se coucher par petits groupes de 3 maximum partout dans la zone. Je me trouvais là par hasard, et j’en ai donc profité pour documenter la situation, et alerter les associations @utopia56paris @utopia56paris @paris20solidaire qui se sont déplacées en soutien des jeunes et pour surveiller les agissements de la police. Ah oui, et aujourd’hui, le 18 décembre c’est la journée internationale des migrants^^ #migrants #mineursisolés #mineursnonaccompagnés #sanspapiers #violencespolicières #loidarmanin #darmanin #journalisme #racisme #decolonization"
247 likes, 8 comments - oyraad_ le  December 18, 2023: "Dimanche 17 décembre vers 22h, une opération de police musclée a été menée pour virer près..."
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Cause

Violence directe 
Violence directe
22
victimes graves
recensées sur le site depuis mars 2019.
192
victimes
recensées sur le site depuis mars 2019.
35%
frappées à la tête
parmi les victimes recensées.
La complexité et multiplicité des moyens policiers répressifs (charges, foule, gaz…) compliquent souvent l'identification par les victimes de la cause de leur blessure.

Cause

Violence disproportionnée 
Violence disproportionnée
619
faits recensées sur le site depuis mars 2019.

Crise de l'accueil

Expulsions et violences contre les personnes exilées 
Expulsions et violences contre les personnes exilées
PARIS
Contexte
Date
17 décembre 2023
Ville
Paris
Lieu
25 rue de Rivoli
Heure
22:30
Juridique
Problèmes
Soulève et projette butallement la personne interpellée contre le sol, selon un emploi de la force non-nécessaire et disproportionné.
Auteurs / Impliqués
Poursuites
  • 18 décembre 2023
    Ouverture d'une enquête administrative
Signalement
ID Unique
6620
Statut
Vérifié
Doublons
Unique
Vérific.
Investigation interne
Mise à jour
27 décembre 2023

582
Victimes graves recensées ayant nécessité une prise en charge médicale ou préservé des séquelles, plus de 1 victime sur 10.
Victimes graves 
6 092
Victimes et faits recensés de violences et d'abus policiers recensés depuis 2018 en France.
Signalements récents 
5 646
Lieux de vie informels expulsés par les forces de l'ordre depuis 2018 en France.
27 500
Victimes estimées de violences policières pour les seules manifestations Gilets Jaunes et Retraites.